17 juillet, 2006

Trop vite?



C’est vendredi. Je le sais grâce à ce journal. Sur le cargo, loin de tout, ça pourrait être n’importe quel jour, presque n’importe quelle heure. D’après le capitaine, on devrait arriver lundi soir dans le port de Montréal, soit en avance d’une journée sur notre horaire. Mais personne parmi les passagers n’a envie de débarquer si tôt. On tire presque la gueule. Déçus d’arriver trop vite. Déjà quatre jours à ne rien faire d’autre que manger, dormir, respirer. Il faut croire qu’on ne se lasse pas de cet état passif. De toute façon, on peut rester à bord jusqu’à mardi. Lundi soir, on fera une fête et on finira le cognac.

Le capitaine nous autorise, Anne et moi, à emprunter le pont étroit pour atteindre l’avant du bateau. Ça fait déjà belle lurette que l’équipage a terminé sa journée. La mer est calme, le vent a suivi. Et à l’avant, on n’entend plus du tout le bruit des machines. On file dans le silence, comme sur un voilier. A minuit, on est censé entrer dans l’espace des icebergs. Des blocs de glace qui se détachent de la banquise groenlandaise et redescendent le long de la côte est du Labrador, poussés par le courant du même nom. Trois ans après, on peut les voir en approchant Terre-Neuve. Le capitaine nous promet de nous appeler dès qu’il en voit.